L’artiste


Hélène Lagnieu par Tiphaine Samoyault  : la peinture inclusive

“Surgies du fond des eaux : c’est ainsi qu’apparaissent les œuvres d’Hélène Lagnieu, délavées, organiques, ayant accroché au passage algues, coraux, écailles et coquillages. Y a-t-il des peintres au fond des mers ? La nature y dépose ses propres arguments, couleurs et rythmes, créatures et secrets qui parfois remontent à la surface, par l’effet d’un art qui les a devinés. Le reflet de ces mondes éloignés à la surface de la terre, dans un espace plan, linéaire et relativement ordonné fait bouger les cadres. Ceci est la couleur de mes rêves, nous dit cette peinture, et mes rêves ont plongé dans l’océan profond.

La résonance des œuvres d’Hélène Lagnieu avec le symbolisme est frappante, même si l’artiste ne se donne ni modèle, ni maître. On pense au Sommeil de Caliban ou aux Yeux clos, d’Odilon Redon, à certaines toiles de Gustave Moreau ou de Klimt. Comme eux, elle explore des univers cachés et cherche à donner forme à ce qui n’en a pas. Comme eux, elle peuple son univers de créatures venues des profondeurs des mythes ou des manuscrits médiévaux, des poissons qui ont cent mille ans, des êtres hybrides qui se seraient échappés d’un tableau de Bosch ou des bestiaires enluminés de Guillaume de Clerc ou de Salisbury. Elle nous dit : « Fermez les yeux, regardez vers le dedans. Lorsque vous les ouvrirez à nouveau, vous verrez autrement. »

La femme était l’un des univers cachés que les peintres symbolistes cherchaient à atteindre. Ils étaient tous des hommes, désireux de capter ce mystère, d’imaginer l’intérieur et l’intériorité des femmes qu’ils voulaient posséder ; qu’ils aimaient, comme Ophélie noyée, à une époque où, selon les mots de Poe, la mort d’une belle femme est le sujet le plus poétique du monde. Or une femme morte ne peint pas, elle n’écrit pas. Hélène Lagnieu travaille à une reprise du corps liquide des femmes par elles-mêmes, de ses pouvoirs d’agencement et de désordre. Tout change lorsque c’est une femme qui peint. Ce corps liquide est en constante métamorphose, il ne peut plus être la propriété de qui que ce soit, ni être possédé par personne.

Hélène Lagnieu pratique une forme de peinture inclusive. Elle y fait entrer les corps qui n’ont pas de cité. Elle arrache la peau, ouvre les mers, et fait danser sur ses pages tout ce qui grouille dedans. Au lieu de mettre les utérus dans le formol, comme le faisaient les savants pour l’usage des médecins ou des cabinets de curiosités, elle les fait résonner et s’étendre comme des arbres dans un verger, vivant d’une vie qui n’est pas notre vie.

Approcher ce qui naît et meurt dans l’espace de l’entaille inclut aussi la douleur, qui plie peu, comme une tige aux pétales bleutés. Mais du passage depuis l’autre monde, les organismes s’ouvrent en écume, les gouffres prennent vie et ce qui remonte à la surface se dote d’un poudroiement substantiel. Les bons yeux des petits monstres expriment ce qui, dans la tristesse, résiste aux mots. Ils ont la veille lente et lorsqu’on les regarde, quelque chose se calme en nous et devient opaque. On est dans l’espace du dedans et on change de point de vue.”

Hélène Lagnieu par elle même

“Dans son grand mystère, la vie dʼartiste est une navigation périlleuse, mais très riche en enseignements!
Ma barque mʼa conduite au delà de l’Océan des douleurs,
Nourrie au début de mon travail artistique par de vieux « démons », jʼai été invitée à un long parcours dʼintrospection.
Je suis toujours fascinée par lʼétrange et aujourdʼhui mon univers est peuplé de créatures plus colorées et je crois plus apaisées.
Mes inspirations trouvent leurs sources dans la mythologie , la symbolique et la nature , je me sens proche également du courant artistique moyenâgeux.
Me laissant désormais porter par le courant et lʼinattendu avec plus de sagesse, attentive à lʼinitiation, ma vie mʼenchante et ma création se nourrit dʼun autre substrat.
Au terme du voyage, jʼaimerai pouvoir dire « je viens de naître »”.

Biographie

Née dans le Bugey, d’une famille de bouchers avec qui elle sent en décalage avec cet univers. Autodidacte, elle commence à peindre des toiles viscérales, des fleurs.Beaucoup de souffrance dans le cheminement de sa vie, qui s’exprime dans ses dessins organiques.

Principales expositions

  • 2021
    • Galerie Michel Descours Paris
    • Galerie 29 Evian
  • 2020
    • Galerie 29 Evian
  • 2019
    • Galerie Dettinger Lyon
  • 2018
    • Exposition Mostra de Givors
    • Beatrice Soulié, Paris
    • Galerie Licence IV, Lyon
    • Galerie Art Factory / Hey, Paris
  • 2017
    • Halle st pierre Paris I esprit singulier de I Abbaye d’Auberive
    • Salon Artpaper invité d honneur
    • Outsider Art Fair, Paris
    • Galerie Art Compulsion, Montpellier
    • Maison d’Aîni Coop.Art. Servies en Val
    • Galerie Le Lab, Marseille
  • 2016
    • 3 mars au 26 mars 2016, Séverine GAMBIER (mosaïques) & Hélène LAGNIEU ( exposition Galerie Béatrice Soulié, Paris
    • L’Esprit singulier« collection de l’Abbaye d’Auberive », exposition initiée par la Halle Saint Pierre, présentation de collection privée, Paris
  • 2015
    • Rêves et chimères, exposition collective, Galerie « A l’Ecu de F:rance », Viroflay
    • Galerie« Le coeur au ventre », Lyon
    • Naïa museum, exposition collective à partir d’avril 2015, Rochefort en Terre
  • 2014
    • Naïa museum, exposition collective à partir d’avril 2015, Rochefort en Terre
    • « De fil et d’encre » , Galerie Claire Corcia, Paris
    • « Baroque viscéral », Galerie Béatrice Soulié, Paris
    • Galerie R9, Saint-Sauveur-en-Pusaye
    • Hang-Art, Saffré 44
    • Galerie « L’ensemblier», Le Mans
    • Salon Arkan, Caen
  • 2013
    • Mac Paris
    • Galerie « Le coeur au ventre», exposition collective, « Jardins secrets», Lyon
    • BHN, Biennale Hors les Normes, Lyon
    • Galerie Artichaut, Vieux Lyon
    • Cabinets des Curieux, Paris
    • Demeure du Chaos, Saint-Romain-au-Mont-d’Or
    • Galerie Plexus, Montreux, Suisse
    • Puls’art
  • 2012
    • Exposition collective, « La barque », Galerie Richard Nicolet
    • Exposition personnelle, Galerie Françoise Souchaud, Lyon
    • Montpelier Parutions:
    • Présente dans la revue d’art HEY – Interview France culture